Les poses du temps
16 mai - 27 juin 2018
C’est un atelier de banlieue.
On est loin de la grande ville et de ses centres.
Une maison, un jardin clos, l’atelier et ses trois fenêtres.
Un tableau…
Serait-ce les eaux dormantes d’une rivière amarrées à la rouille des péniches ?
Un nu de femme dans la lumière tamisée du soir ? Un ami venu pour poser ?
Ou peut-être encore le tableau d’un paysage, un coin paisible et vert où l’on peut se recueillir sous les ombres du soleil ?
Un tableau sur la saveur du temps qui passe, qui longe les bordures du chemin d’à-côté, loin du bruit et de ses actualités filantes.
À y surprendre parfois, un instant, les lentes heures engourdies du modèle qui patiente sous la lumière descendante d’une fin d’après-midi. Une heure suspendue où l’horloge tient la pose.
Dormeuse bleue, huile sur papier marouflé sur toile, 46 x 55 cm.
Par l’une des trois fenêtres entrent les derniers rayons du ciel qui viennent caresser les visages et frôler les chairs nues. La fixité pensive du modèle semble ralentir chaque instant des aiguilles du cadran. C’est un nu d’une pudeur sensuelle, le désir est là sans y être, comme s’il était lui aussi un peu en marge, à la fois dedans et dehors, comme flottant dans l’atmosphère. C’est le soir à présent, la lumière du jour a laissé place à celle chaude d’une lampe. Elle éclaire différemment, d’une façon plus intime, plus enfouie, en secret. Un peu comme ces peintres d’autrefois qui peignaient à la bougie. La lumière semblait alors provenir de l’intérieur des corps et des choses.
Vue d'atelier, 2015, huile sur papier marouflé sur toile, 65 x 50 cm.
C’est un atelier de banlieue.
On est loin de la grande ville et de ses centres.
Une maison, un jardin clos, l’atelier et ses trois fenêtres.
Du dehors au dedans, du bruit au silence, de l’agitation au calme, de la vitesse à l’immobilité, de la foule à la quiétude.
Le silence est épais, si dense que c’en est une matière tactile, qu’on l’entend jusqu’en sa discrétion. Quand tout se tait, la peinture est là qui apparaît enfin. Est-ce la saisie de l’immobilité qui crée ce silence, ou l’inverse ?
La peinture doit-elle être parlante ? Sa condition nécessaire se situerait-elle dans ce retrait, ce dépouillement ?
S’abstraire des mots ; taire les heures…
Un bruit, un claquement de porte, des bribes extérieures venues du grand blabla… et l’œuvre s’en va. Rien ne doit heurter le calme et la fixité de la pose. Dans la paix de l’atelier ou sur le motif, le peintre se défait en lui-même du vacarme qui étouffe afin que puisse surgir de quelque profondeur l’œuvre telle libérée...
Mais revenons à cette peinture, toute de tendresse et de sensualité, comme une confidence accordée à nos yeux par la volupté elle-même. Sage. Sage ?
Les nus aux postures inventées et sensuelles s’étendent dans une pudeur et une aise naturelle et entière.
Nu, 2018, huile sur toile, 50 x 61 cm.
Sur les toiles, s’épanouissent des enfants, des maternités, à l’abri tout contre du châssis.
La peinture et l’atelier devenant ce jardin clos pareil à celui de l’Eden qu’entourent les souvenirs.
D’autres figures et personnages se reposent recroquevillés, en position fœtale, pour ébaucher un sentiment de confiance, de protection, que garantit cette demeure qu’est la peinture. Un lieu, celui de l’espace de la toile où tout est préservé du secret confié. Pas un mot mais un vis-à-vis sur l’intériorité du peintre.
Une barque abandonnée repose sous les arbres du canal. Ce sont des verts, des mauves et des bleus d’été. Les paysages sont harmonieusement ordonnés et maîtrisés assurant un refuge à celui qui y entre par le regard. Une paix que nul ne saurait troubler.
Les barques, 2002, huile sur toile, 22 x 27 cm.
L’œuvre dompte le sauvage, le tient. Il est resté en laisse à la porte d’entrée. Nulle autre force que celle de la chaleur des couleurs. La brutalité est bannie. Les orangés, les rouges, les jaunes et les pourpres se dressent en rempart contre les assauts de la virulence.
Bruit, brutalité, comme ces deux mots se ressemblent.
Sur la toile ou sur le papier, seul s’entend la vibration des textures qui murmure à nos yeux : « la peinture est la terre des vivants ».
Riaba et sa sœur, 2017, huile sur bois, 60 x 60 cm.
À observer chaque modèle ou personnages de ces tableaux, on les sent absorbés dans leurs pensées. Le temps paraît attendre et les choses en lui font une pause. À quoi songent-ils donc ? Rêvent-ils éveillés ? Est-ce une sorte de spleen ? Ou sont-ils, timides, tout de l’étonnement devant les absurdités ? La peinture quant à elle ouvre un passage, dirait-on, vers la beauté à nouveau osée.
Nu allongé, 2010, aquarelle et plume sur papier, 23 x 31 cm.
Des tableaux où la pensée du peintre s’efface dans l’œuvre elle-même laissant affleurer au regard des reflets de mystère et de poésie.
Si toute œuvre d’artiste in fine se donne à découvrir dans son ensemble comme un unique chemin-vers… comment serait-il possible, toile après toile, de lire celui d’AssuntaGenovesio ?
La Marne aux Perreux, 2017, huile sur toile, 81 x 60 cm.
AssuntaGenovesio… ?Assunta… l’Assomption.
Et s’il s’agissait de voir le peintre avancer d’une œuvre à l’autre vers la découverte de son propre nom (prénom) ?
« Devenir son nom », n’est-ce pas d’ailleurs la quête qu’évoquent les grandes traditions…
Assomption : l’adjonction… « S’adjoindre » ou « être transporté vers », dit la racine latine. L’Assomption : celle de la Vierge Marie, bien-sûr, adjointe à l’éternité. L’adjonction du temps à l’éternité au désespoir de la mort elle-même.
étude, 2017, huile sur carton, 44 x 51 cm.
AssuntaGenovesio… une adjonction au haut silence par les couleurs ; à la présence par ces corps, le visage de ces portraits ; à la paix par ces paysages, ces vues d’intérieurs. Et qui sait ? – peut-être – une adjonction à la beauté elle-même, retrouvée, par la peinture dont chaque geste serait celui, posé sur la toile, du retirement. Assomption, être transporté vers…
Une œuvre de passion et de retenue, à la lumière intérieure d’un feu charmé, une flamme qui éclaire mais ne brûle.
Laetitia, 2016, huile sur toile, 100 x 65.5 cm.
C’est un atelier de banlieue.
On est loin de la grande ville et de ses centres.
Une maison, un jardin clos, l’atelier et ses trois fenêtres.
Pour accueillir et fêter l’été, la galerie Les Montparnos est très heureuse de vous inviter à découvrir l’exposition consacrée au peintre Assunta Genovesio qui se tiendra du mercredi 16 mai au mercredi 27 juin 2018.
À l’Art Vivant !
Mathyeu Le Bal
Laetitia, 2009, huile sur papier, 63 x 48 cm.