Frédéric Jacquin, les hautes patiences
Exposition automnale
Frédéric Jacquin
Les hautes patiences
22 octobre - 02 décembre 2020
Tour Abeille, en plein cœur du quartier chinois de Paris, se trouve dans les derniers étages un atelier. Celui d’un peintre avec une vue sur toute la ville. Et de toits gris en barres d’immeubles, la présence d’un ciel que l’on ne voit plus, qui pourtant domine et englobe ces millions d’âmes. C’est l’atelier de Frédéric Jacquin qu’il occupe depuis de nombreuses années. Même s’il se défend de lui accorder trop d’importance, la symbolique évidente qui s’en dégage parle d’elle-même. Dans la petite pièce du fond où sont entreposées les œuvres, là où le peintre est à son chevalet, se trouve une fenêtre par laquelle s’ouvre une vue d’en haut sur la ville. C’est un paysage urbain.
Mais ici Frédéric Jacquin tourne le dos à la fenêtre. Il ne peint pas ce qui se donne à voir de l’extérieur : son motif est ailleurs, enfoui au plus profond de lui, dans ses hauteurs et sommets intérieurs. L’atelier comme descente au cœur de la couleur. Montagne, c’est ce paysage naturel qu’il cherche à retrouver. Être seul avec lui. Au dehors c’est le bruit de la ville et de la foule, une foule sans présence, hors de soi, un brouhaha aux tonalités vaines qui se perdent. À l’intérieur c’est l’assourdissant silence du paysage de soi-même, ce pays de l’âme et de l’être.
Peindre la montagne, son principe, ses plaines et ses ciels. Ici où le peintre tente de s’abstraire et se de défaire des faux-semblants. Il est seul, comme cet arbre sur cette toile, au milieu de nulle part, qui résiste à tous les vents.
C’est une peinture d’atelier, nous sommes loin du « plein air ». Chaque été Frédéric Jacquin se rend dans les Hautes-Alpes, dans la vallée de la Clarée, pour dessiner la majesté des cimes. Être au plus proche de sa propre source : pour Frédéric Jacquin, elle semble se situer dans ces chemins sauvages et impraticables qui conduisent au plus haut des terres, dans cet entre-deux avec le ciel. Une peinture sédimentée, faite de temps et de couches successives, qui sèchent lentement.
Patience et passion…
Atteindre les racines du ciel ?
Et faire apparaître les vraies couleurs du visible, d’un éclat sans images.
Matière et caractère.
Quand la volonté d’un peintre rencontre la peinture avec son destin qui lui est propre, c’est la terre qui se fraye ces lents chemins vers des ciels, de ses courbes à l’éther.
En 2014, la galerie Les Montparnos avait organisé une première exposition consacrée aux œuvres du peintre Frédéric Jacquin. 6 ans après, cette deuxième exposition exprime toute la confiance et l’enthousiasme de la galerie pour son travail. Montparnasse, cette Montagne archétypale de l’art mondial, qui surplombe la vallée de Delphes en Grèce, demeure d’Apollon et des neuf muses, accueille le 22 octobre prochain sur ses murs et cimaises, à la lumière des spots et ciels changeants, les œuvres du peintre Frédéric Jacquin.
À l’Art Vivant
Mathyeu Le Bal
Le monde est divin parce que le monde est gratuit. C'est pourquoi l'art seul, par son égale gratuité, est capable de l'appréhender.
Albert Camus
à venir : l'exposition automnale
Exposition Ronan-Jim Sévellec à la Galerie de Bretagne
La galerie de Bretagne à Quimper organise du 22 septembre au 31 décembre une exposition d'envergure consacrée à l'un des plus importants et discret artistes contemporains : Ronan-Jim Sévellec. Né à Brest en 1938, il est le fils du peintre Jim Sévellec. Même s'il suit la voie artistique familiale, son oeuvre se démarque de la peinture comme de la sculpture. Il crée ses "boîtes", chacune étant un univers fantastique dans lequel chaque objet, petit élément, meuble, architecture, chaque lumière est conçu de sa main et découle de l'imaginaire. Un travail fait de poésie et de patience. Partagé entre son atelier de Paris et celui de Douarnenez, il travail à ses "boîtes", ou dioramas, qui ont séduit les collectionneurs les plus prestigieux du monde entier. En un mot : Magique !
Rendez-vous donc le mardi 22 septembre pour le vernissage d'une des plus extraordinaires et grandes exposition de l'histoire de la galerie de Bretagne : le mardi 22 septembre à partir de 17h00.
Maurice de VLAMINCK
Maurice de VLAMINCK
(Paris 1876 † 1958 Rueil-la-Gadelière)
La demeure au bout du chemin. 1930.
Dessin original au crayon, encre et lavis sur papier vélin
signé en bas à droite.
21 x 17 cm.
Œuvre préparatoire à l’une des 12 lithographies hors-texte (planche II), du roman de Julien Green, Mont-Cinère (Paris, édition Jeanne Walter, 1930).
Julien GREEN (Paris 1900 † 1998). Mont-Cinère. Paris, édition Jeanne Walter, 1930. Livre illustré de 12 lithographies originales de Maurice de VLAMINCK. Volume inquarto, sous couverture souple rempliée, chemise cartonnée et emboîtage vermillon d’origine. Un des 25 exemplaires de tête sur papier japon impérial, enrichi d’un jeu supplémentaire d’épreuves sur chine volant, et revêtu des signatures de l’auteur et de l’artiste sur le colophon. Numéroté « 20 » au composteur.
"Je cherche quelque chose de plus mystérieux encore. C'est le passage dont il est question dans les livres, l'ancien chemin obstrué, celui dont le prince, harassé de fatigue, n'a pu trouver l'entrée."
Alain Fournier, Le Grand Meaulnes
Max Jacob (1876-1944)
A découvrir :
Cette oeuvre tendre et spirituelle de Max Jacob (Quimper 1876 - Drancy 1944).
Max Jacob, artiste fécond, à la fois écrivain, poète et peintre. Ses travaux sur papier, pour lui, c'était ses "gouacheries". Animateur de l'art moderne à Montmartre et à Montparnasse, ami proche de Pablo Picasso, de Modigliani et d'Apollinaire. Acteur des premières heures dans l'apparition des grands mouvements artistiques moderne tel que le cubisme. Figure iconique et historique de Quimper.
Dans sa petite chambre rue Ravignan à Montmartre, il avait écrit à la craie sur les murs en guise d'automédication :
"Ne jamais aller à Montparnasse !"
Galerie de Bretagne, Quimper
À découvrir entre Paris et Quimper, 3 oeuvres exceptionnelles illustrant 3 périodes de Montparnasse, La fin du XIXe siècle avec le sculpteur Alexandre Falguière, l'âge d'or des années 20 avec Jules Pascin et la deuxième école de Paris post 1950 avec Edouard Pignon.
Alexandre FALGUIERE (1831-1900) Buste de Diane, Portrait de Cléo-Diane de Mérode, Bonze à patine brune, 59 cm. Fondeur : Thiébaut Frères.
Jules Pascin (1885-1930), Nu allongé au sofa, dessin à l'encre sur papier, 47 x 30 cm, Signé en bas à droite. Provenance : Galerie Paul Valotton
ÉDOUARD PIGNON (1905-1993), Nu rouge et cactus, 1978, Aquarelle. Signée et datée en bas à gauche. 55 x 75.5 cm
Léon Weissberg (1895-1943), invitation pour le vernissage
Présentation :
Quand il arrive à Paris « capitale des arts » à l’automne 1923, le peintre galicien polonais Léon Weissberg se rend directement, à 2 heures du matin, au café de La Rotonde à Montparnasse, à la rencontre des peintres de tous pays. Peintre reconnu - il a reçu en Autriche une solide formation à l’École des Beaux-Arts de Vienne puis à l’Académie Royale de Munich, il a vu naître la Sécession à Vienne et l’Expressionnisme allemand à Berlin.
Lui-même tend vers un expressionnisme humaniste et charnel, empreint de poésie et de spiritualité. Des personnages immobiles font ressentir comme en songe l’âme des êtres, leur solitude, leur mystère, dans un clair-obscur que rehaussent la finesse des couleurs et l’introduction du blanc et du noir,
Il se reconnaît pour maître Rembrandt, rend hommage à Corot, Renoir et Rouault, et voit en Cézanne et Van Gogh les fondateurs de la peinture moderne. Dès 1925, il expose au Salon d'Automne de remarquables natures mortes puis, en décembre, un ensemble d’œuvres à la célèbre galerie de Sliwinski Au Sacre du Printemps, 5 rue du Cherche-Midi, au sein du Groupe des Quatre, avec Menkès, Aberdam et Weingart – quatre Galiciens.
La même année, Léon Weissberg rencontre Marie Ber à La Rotonde. C’est un coup de foudre. Le soir-même il l’invite au Bal Nègre, ils sortiront ensemble deux ans et il l’épousera à Paris en 1927. Ils auront une fille, Lydie.
Portrait d’une jeune femme (Marie) inaugure une série de lumineux portraits de femme sur de grandes toiles, représentant le plus souvent Marie. Des femmes immobiles et perdues dans leurs pensées, le regard, profond et absent au monde, comme tourné vers l’intérieur. Son tableau La Mariée juive, nu audacieux et poétique, connaît un succès retentissant (1926). Il peint aussi de très beaux paysages, des natures mortes et bientôt ses fameux cirques, clowns, écuyères et danseuses, compositions de couleurs vives, rêves magiques d’amour et de liberté.
Ce grand jeune homme blond au fin visage, l’élégance naturelle et le regard clair – comme en témoignent le poète surréaliste Philippe Soupault et les historiens tels Aronson et Fenster, a aussi de l’esprit et devient une figure de Montparnasse, où on se fait des amis aux terrasses des cafés, « ces salons en plein air ». Il y rencontre les peintres André Derain et Georges Rouault, Mendjizky, Kikoïne, Soutine, Eugène Zak, les sculpteurs Giacometti, Indenbaum et Chana Orloff, les écrivains Shalom Asch, Warszawski, tant d’autres... et les galeristes, le poète Zborowski ami de Modigliani devenu marchand, dont il fait un saisissant portrait, et Vladimir Raykis de la galerie Zak qui devient son marchand attitré.
En février 1943, Weissberg est arrêté par deux gendarmes à l’auberge d’Entraygues-sur-Truyère où, réfugié, il continue de peindre paisiblement. Interné par les nazis aux camps de Gurs puis de Drancy, il est déporté le 6 mars et exécuté au camp d’extermination de Majdanek le 11 mars 1943. Il avait 48 ans.
Léon Weissberg (1895-1943), Peintre de Montparnasse
Exposition événement
Léon Weissberg
(Przeworsk, Empire austro-hongrois 1895- Maïdanek 1943)
Peintre de Montparnasse
14 novembre 2019 - 30 janvier 2020
Voir le silence
Chers amis de la galerie, pour célébrer le dixième anniversaire des Montparnos nous vous proposons une exposition historique consacrée à l’une des figures majeures de l’École de Paris et du Montparnasse de l’entre-deux-guerres : le peintre Léon Weissberg (1895-1943).
Après m’être imprégné pendant plusieurs mois des œuvres de ce peintre et avoir étudié sa vie au travers des ouvrages, documents, photographies des œuvres et archives de famille confiés par Lydie Lachenal, la fille de l’artiste, je suis resté de longues semaines comme frappé d’interdit. J’étais dans l’incapacité d’écrire une seule bonne première ligne face à un tel sujet et à un peintre de cette importance. Jusqu’à m’interroger sur le pourquoi de cette intime difficulté à oser penser et écrire sur l’esprit de cette exposition, ce double thème :
Un peintre, son œuvre, le destin de l’un, la destinée de l’autre.
Les 10 ans de la galerie Les Montparnos et une exposition Léon Weissberg.
À étudier attentivement la biographie du peintre, on ne peut qu’être frappé et saisi à plusieurs reprises par l’intensité de l’œuvre et le dramatique du vécu de l’artiste. Toute la difficulté de cette approche résidant peut-être en le fait de parler d’un peintre sans réduire l’œuvre à tel ou tel événement de sa vie, d’interroger ses tableaux et de les laisser libres de dévoiler à notre regard leur propre existence ou leur histoire.
Mais remontons le temps. Nous sommes en 1925, deux ans après l’arrivé du peintre à Paris, à la galerie Au Sacre du Printemps à Montparnasse, chez Sliwinski rue du Cherche-Midi. Il se tient là une exposition de quatre jeunes artistes de Galicie (Empire Autrichien, aujourd’hui partagé entre la Pologne et l’Ukraine). D’origine juive, on les surnomme tout naturellement le Groupe des Quatre. Ce groupe est composé d’Alfred Aberdam, Sigmund Menkès, Joachim Weingart et Léon Weissberg. Après avoir étudié à Berlin ou Vienne et partagé ensemble l’apprentissage de la réalité d’une vie d’artiste, et un bon nombre d’ateliers, le chemin les conduira, telle une évidence, à Paris au début des années 20. Une exposition donc pour nos quatre amis étrangers dans ce Montparnasse qui était le nouveau monde de l’art moderne. On le sait, c’était dans ce Paris, capitale mondiale des arts de l’après 14/18, que le vent de la création soufflait le plus fort, son tourbillon se nourrissant sans cesse de directions nouvelles. C’était une rumeur qui parvenait jusqu’aux quatre coins du monde. Et de tous ces horizons, les artistes arrivaient pour en sentir le parfum, en vivre l’effervescence, en vérifier la légende. Montparnasse, cet arbre aux racines souvent si lointaines, aux branches si inattendues mais avec pour tronc commun, sous une écorce parfois d’épaisse misère, la liberté.
Il y avait bien sûr des groupes d’artistes, bien distincts, et qui nous permettent aujourd’hui de mieux comprendre l’histoire. Ces groupes étaient constitués selon les traditions ou les pays d’origine, selon les affinités ou les grands mouvements, ou d’autres fois encore, plus simplement en fonction du choix d’un café ou d’une brasserie où les soirées naissaient, les nuits s’éclairaient, allumant d’elles-mêmes le secret des aubes nouvelles. L’École de Paris, toute mondiale, mais d’une langue commune, l’art. C’est ainsi que l’écrivain et critique d’art polonais Adolphe Basler la définira : « L’École de Paris, c’est tout Montparnasse, avec ses Européens, Asiates et Américains ! Plus d’idiomes picturaux ! l'espéranto de la couleur fusionnera toutes les races et s’entendra de Tokyo à Paris et à New York » (Le Cafard après la fête, 1929).
L’exposition du Groupe des Quatre, devenant l’emblème de cette terre promise, à la découverte de la liberté par la peinture. Devenir son propre mouvement, telle serait la marque de cette École de Paris, aller à la rencontre de sa matière personnelle, la chercher et l’extraire des profondeurs de l’être afin qu’elle jaillisse aussi jeune que neuve. Une invention en perpétuel mouvement, l’invention de l’inouïe, de son visible. La matière fixée par la main du peintre sur un morceau de toile apparaissant comme unique et cependant toute du reflet des autres, miroir commun pour le portrait intime des premières heures d’un jour inconnu.
Montparnasse, le grand tableau de la fraternité.
Quels sujets, quels motifs à ces tableaux ?
Montparnasse, c’est un paysage urbain, des rues et des boulevards, c’est un ciel que l’on ne parvient pas toujours à voir derrière des imbrications de toits gris, ce sont des terrasses de cafés remplis le soir avec ses lumières artificielles. Montparnasse, c’est un silence d’atelier et ses poussières, c’est le bruit de la ville et le klaxon des voitures, ce sont les modèles et le secret d’une vieille cour d’immeuble fatigué, ce sont les clowns du cirque, du grand cirque du monde, les masques et un bouquet de fleurs posé sur une table, avec une assiette contenant un fruit ou le maigre reste d’un repas affamé de gloire. Montparnasse, c’est un dimanche après-midi passé entre amis à peindre au jardin du Luxembourg, sur les quais de Seine ou les bords de Marne… De Notre-Dame des Champs au Jockey en passant par les théâtres de la Gaîté.
Montparnasse, c’est Paris qui se peint. Ce Montparnasse, c’est la peinture qui pour la première fois de façon aussi radicale va faire de la ville le sujet même de l’œuvre.
Et Montparnasse, c’est du sentiment.
Lydie Lachenal me confiait un jour au sujet des peintres étrangers de l’École de Paris : « Ils avaient en commun cet amour de la France, elle représentait tant pour eux !». Véritable pays de cocagne de l’esprit où le désir à vif s’aventure par l’art, l’amour et l’amitié dans la recherche d’une espérance.
A tourner une à une les pages du catalogue raisonné de l’œuvre de Léon Weissberg, on se rend fort et bien compte à quel point sa peinture est d’une grande bonté et d’une sensibilité profonde, c’est une douceur effleurée sur la toile, c’est le silence rendu visible. Une matière picturale toute de lumière et appliquée le plus souvent comme une caresse. Il choisit des sujets tendres et utilise les clairs-obscurs qui confèrent à la toile une intimité et un secret qui lui appartiennent mais qu’il partage, par l’attendri des ombres. Une peinture sur le bonheur, qui chasse la violence. Parfois cependant dans certains tableaux, la texture est plus forte, tout en épaisseur et montre un caractère, une puissante détermination. Il peint le plus souvent sur des petits formats, des maternités, des portraits d’enfants, des nus absorbés dans leurs pensées, des paysages ensoleillés et des clowns. Une peinture s’inscrivant dans la lignée d’un Rembrandt ou celle d’un Georges Rouault, donnant à lire une tension à la fois dramatique et spirituelle.
On a le sentiment qu’il peint un tableau comme s’il concevait un jardin, un enclos maîtrisé, à l’abri, protégé et qui maintiendrait à distance les mauvaises choses. Est-ce ainsi qu’il faut voir ses heureuses petites barrières dans tel ici ou là de sa peinture ? Ses toiles sont tissées comme un songe merveilleux, les contours ne sont pas toujours visibles, marqués, ils sont atténués, comme les limites incernées d’un espace intérieur. À tenter d’aller à sa rencontre, d’approcher sa personnalité, simplement en observant sa peinture.
Sans doute était-il alors un être élégant et doux, son portrait d’Arthur Rimbaud dévoile son âme poétique, c’est une peinture joyeuse de par le choix des tons et enthousiaste de par la nervosité et l’assurance du trait. Les portraits sont raffinés, ils traduisent une forte pensée retenue et une expression témoignant du travail de la conscience et de la lucidité.
Du destin de l’homme à la destinée de l’œuvre.
Et cette phrase d’une intensité inoubliable de Weissberg adressée à son ami Menkès, pressentant l’arrivée du vent noir de la seconde guerre mondiale :
« Menkès, tu verras, on boira encore du champagne ensemble !».
Le 2 mars 1943, le peintre Léon Weissberg est transféré à Drancy, le 6 mars à l’aube, il adresse à sa fille sa dernière « carte interzone » qui l'informe de son départ « destination inconnue ». Il est déporté par le convoi N°51 qui arrive le 11 mars au camp de Lublin-Maïdanek où il sera assassiné le jour même, à l’âge de 48 ans.
Son dernier tableau date de février 1943, intitulé Le Repas du clown, les couleurs ne sont plus les mêmes et le sujet tel une préfiguration du dernier repars en autoportrait en clown.
La peinture… faire voir le silence. Quand d’eux-mêmes les mots se taisent.
L’œuvre du peintre a été pillée dans l’atelier du 2 bis de la rue Perrel (auparavant l’atelier du Douanier Rousseau). Durant une importante partie de sa vie, Lydie Lachenal va réaliser un immense travail afin de remettre en lumière l’œuvre de son père et notamment retrouver les peintures et documents éparpillés permettant ainsi sa reconnaissance officielle dans l’histoire de l’art.
Aujourd'hui, des tableaux de Weissberg figurent dans une dizaine de musées et dans de nombreuses collections privées.
Avec son époux Kenneth Mesdag Ritter, elle a fondé en 1979 la maison d’édition Lachenal & Ritter, spécialisée dans la poésie, les écrits des surréalistes et des écrivains d’avant-garde, maison bien connue des libraires et des bibliophiles. Après Rimbaud se disant « négociant » et le Nerval d’Aurélia, elle a publié André Breton et Philippe Soupault, le Manuscrit original des Champs magnétiques, les Écrits sur la peinture de Soupault, ses Mémoires de l’oubli, inédits, et ses romans épuisés, des essais, Le jour et la nuit de Camille Claudel, par B. Fabre-Pellerin, L’Arrière Montparnasse, nouvelles sur les artistes impécunieux des années 30, par Oser Warszawski, superbement illustrées de dessins de l’auteur.
Avec Soupault, la première monographie de Weissberg est établie en 1980. Puis suivra l’ouvrage collectif révélateur École de Paris, le Groupe des Quatre, (2000). Et en 2009, en collaboration avec les Éditions d’Art Somogy, l’ouvrage monumental Weissberg, Catalogue Raisonné de l’œuvre peint, dessiné, sculpté.
La collection Lachenal & Ritter et son fonds ont été repris intégralement par les éditions Gallimard en 2002, relancés par une publication des chroniques inédites en volume de Ph. Soupault sous le titre Littérature et le reste, 1919-1931(édition établie par Lydie Lachenal, Gallimard 2006).
À l’heure actuelle, le catalogue raisonné de Weissberg comprend près de 300 œuvres entre les huiles, œuvres sur papier et sculptures. Depuis, 45 œuvres non recensées ont été retrouvées et font l’objet d’un Supplément au Catalogue raisonnée en préparation. Au total, 350 numéros, qui font une œuvre rare et précieuse.
Cher Léon Weissberg, Cher Sigmund Menkès, lors de la soirée de vernissage de l’exposition Léon Weissberg à la galerie Les Montparnos, le 14 novembre 2019, nous lèverons nos coupes de Champagne en vos noms et en mémoire au Groupe des Quatre.
À l’Art Vivant !
Mathyeu Le Bal
Galerie Les Montparnos