Exposition Jean-Noël Selve - Le Sauvage est un Ciel
Exposition de printemps
Jean-Noël Selve
Le Sauvage est un Ciel
23 mars - 23 mai 2017
Le sauvage est un ciel
Que disent les mots du paysage, de ses couleurs imprononçables ? Le peintre chemine seul parmi les murmures du visible. Du motif muet à la feuille blanche, il tente de traduire le réel, son chuchotement. Rien encore ne se donne. Tout lors n’est qu’inconnu qui se refuse. Attendre une manifestation, que quelque chose se produise. Quel sera alors le regard du papier ? Quelle porte de soi le paysage ouvre-t-il ?
Telle une espérance errante, le peintre pénètre la demeure cachée du voir. Il met à l’épreuve la nature, la questionne sur son infinie proposition ; il marche et épouse ses contours contemplativement et charnels. Que faut-il garder sur le papier quand il est impossible de tout prendre ? Peut-être s’agit-il de capturer au hasard des ici-et-là une image aussi vivante qu’une synthèse. Aller jusqu’ à la substance même de ce qui est là sous les yeux, son suc.
Les couleurs sont alors emportées par la mélodie et forment, d’une note à l’autre, un air entêtant qui se pose sur la feuille, celui du rythme secret des tons. La lumière apparaît. Brusquement. Elle dévoile des pénombres, effleure l’être d’un frisson. Éclat furtif. Qui fixe ce mystérieux rendez-vous, la rencontre entre un peintre et cette parole si discrète du visible ? Sur le sentier, le peintre découvre ce que personne auparavant n’avait vu, quelque chose de l’intime mais qui parle à chacun. La nature devient le prétexte à une toute autre exploration, celle du fond humain.
Dites-nous cher Jean-Noël, les mots ermites de ce tableau :
« Ici et maintenant, c’est aussi avant et autour, c’est ce qui précède. L’espace est infini. L’avant et l’après se confondent dans l’arrêt du temps. »
« D’un côté, l’espace des perceptions. De l’autre, le format de la feuille de papier. Il s’agit de les faire se chevaucher sur le même plan. C’est une question d’harmonie. Un travail du gouvernement de soi ? Une alchimie de l’instinct ? Un processus révélateur ? Ou bien, est-ce créer de beaux objets qui nous ravissent ? Quand bien même… par quels mystères l’auteur réussirait-il à nous toucher ? Est-ce un scribe qui cherche sa dictée ? Ou un comptable, de la nature même qu’il porte en lui. Et à sa nature propre, il cherche son pendant : non pas dans l’idée du paysage, mais dans la profondeur mouvante de son champ visuel, vécu… qui est pour lui, le seul vrai champ d’application, à la croisée de toutes ses références, l’ultime repère. Une discipline quotidienne, dont chaque nuance sensible déterminera en écho les qualités de ses mots. »
À y sentir, presque, que c’est le paysage qui peint lui-même le tableau. Un auto-paysage, soufflé aux mains-nature du peintre.
Prenons une oeuvre...
Surplombant du regard ces massifs bleutés, ces ciels roses, ces bois humides, remontant le long de la rivière qui serpente sous les ombres du haut, laissant entrevoir sous les souches noyées un souvenir ocre. La lumière tamisée par les arbres se pose transparente sur les eaux ; on distingue le fond et la roche. Dans un demi-jour la pluie a essuyé la route autrefois abritée d’un soleil timide. Une forêt épaisse d’où émanent les odeurs de bruns. Les neiges fondent dans un vert opalescent. Pas à pas au cœur du creux or d’un paysage, sortant des bosquets touffus et protecteurs, ce ciel neuf qui ouvre ses portes. On suit le chemin de la montagne qui sinue dans les gris presque aussi zigzagant qu’une ivresse d’éther.
« Alors, au début c’est la fête, le grand bazar, tout est possible, le peintre tourne autour des choses, va là où son désir le porte, Il fait son marché au milieu des apparences, fouille, confronte les données. Études après études se dégage quelques signes adaptés, des correspondances. Puis s’engage un processus de dépouillement, où l’étau se resserre autour de l’essentiel, dont il ne reste parfois que la simple ossature du cheminement, qui incarne dans la matière la structure même de la réalité profonde, jusqu’alors invisible de notre rapport aux choses. »
Le monde frôle le papier. Sauvage et clair, instant fugace, le motif à vif.
Tant d’efforts voués à l’échec, la peinture capricieuse et hirsute comme la pensée fluide et insaisissable qui se refuse sans cesse à saute-montagne. Mais parfois, de cette « boue grasse », se désincarcère un peu de pureté, si simple et imprévisible, sertie dans la couleur. Quelle lutte contre soi et les lourdeurs qui tant éloignent le regard de ce qu’on a sous les yeux... Quelle détermination poétique chez le peintre. Tout défaire de soi pour ce si précieux instant. Serait-ce cela la grâce, la détermination devenue poême ?
Et parfois le sensuel retrouve le spirituel, uni.
Jean-Noël Selve ou la force immense de la vie dans ces si petits formats ciselés. Dévêtir le réel de toutes les ombres.
Peindre et entendre.
Etonné, on se découvre soudain en paix dans cette nature qui ouvre à une intériorité d’autant plus inattendue et neuve à l’esprit qu’elle est la nôtre. L’œuvre de Jean-Noël Selve est un recueillement, elle nous convie à ce dialogue entre le paysage et la peinture, sorte d’enquête de la poésie. Le peintre arpente le monde. Le scrute, seul. Puis, l’offre à notre dévoilement.
« Mon atelier c’est ma bagnole ».
Je me souviens de ces mots du peintre, et imagine ses petits cartons de paysages dans la voiture de ce compagnon du silence. Dans la continuité de l’esprit de l’Art Vivant, la galerie Les Montparnos a le grand plaisir de vous convier à découvrir cette exposition de printemps consacrée au peintre Jean-Noël Selve.