Christophe Marion & Martin Laquet, J'ai rêvé le réel
Exposition
Christophe Marion & Martin Laquet
J'ai rêvé le réel
16 mai - 22 juin 2024
Vernissage le jeudi 16 mai à partir de 18h30
L’Art moderne fut un séisme. Des impressionnistes jusqu’aux confins de l’abstraction il éclata dans le monde entier, laissant derrière lui comme une dévastation soufflée. Que reste-t-il de la peinture après un XXe siècle qui a tout révolutionné ? Que peindre après Cézanne, Picasso, Kandinsky, Bonnard, Mondrian ou Rothko ? Que faire quand Miró professe qu’il veut tuer la peinture, quand Malevitch prône comme unique moyen de salvation l’art du « sans objet » et le « zéro des formes » ?
Les peintres de la modernité possédaient le don de détruire les limites. Génération Falstaffienne ! Dans une époque tiraillée par les guerres, la faim et la misère, leurs œuvres témoignent d’une tension terrible pour survivre et accoucher d’un monde nouveau au milieu du chaos. En apparence ils ont donc tout dit, tout montré. Leurs œuvres sont aujourd’hui sanctuarisées et provoquent des queues interminables dans les musées. Les foules se pâment et s’agenouillent devant ces nouveaux talismans, sacré d’un autre univers, dans une exégèse infinie.
Comment s’attaquer à la toile neuve en conscience de ce passé si illustre et finalement encombrant ? Pour le peintre actuel, le terrain semble miné à chaque coup de pinceau. Référence à un tel par ici, à tel autre par-là… Où aller pour éviter le piège ? Qu’on ne lui dise surtout pas : « ça ressemble à… ». Ils étaient si fort ceux d’avant. La tentation était grande d’en finir avec la peinture et de refermer le livre, ne restant que des ombres et de la poussière. L’époque paraît timide, comme si elle n’osait plus la beauté ?
En 2023, la galerie Les Montparnos avait organisé une exposition intitulée Le Jardin, réunissant dix peintres autour d’un thème libre. Dans ce constat du champ de ruines, en retrait du monde, ces artistes presque orphelins étaient revenus à la terre intérieure, cultivant le cycle du jour. De belles œuvres étaient apparues. L’audace d’une simplicité profonde procura aux amoureux un plaisir retrouvé. N’est-ce pas une joie secrète de semer une graine qui deviendra un plant et produira des fruits ?
Que reste-t-il alors de la peinture ? La réponse est très simple : il reste des paysages, des natures mortes, des portraits, des nus, l’atelier… Il reste la lumière, les couleurs… Il reste aujourd’hui et demain, le quotidien, son épaisseur, cette empreinte de l’éternité. Un tableau, même abstrait, sera toujours une image plus ou moins vraie d’une réalité à trouver. Le monde d’aujourd’hui est neuf. Les génies d’autrefois sont au chaud dans les musées, leurs œuvres inscrites dans la postérité du ciel.
Pour cette exposition, la galerie Les Montparnos présente les œuvres de Christophe Marion et Martin Laquet, deux Lyonnais montés à Paris. Ils se connaissent bien, sont amis et exposent régulièrement ensemble. Leur peinture est intérieure, hautement simple : des vues d’atelier, la lumière qui passe au travers des pièces et se dépose sur les choses ; des objets agencés sur une table ; des couleurs qui apparaissent et disparaissent comme les heures. Leurs œuvres contiennent ce qu’il faut de détermination et de retenue. Christophe Marion et Martin Laquet sont les gardiens d’une peinture où n’entre nulle émotion criarde. Avec mesure ils appliquent sur la toile ou le papier le tempo lent du quotidien. Et leurs œuvres procurent le bonheur d’un intemporel retrouvé.
J’ai rêvé le réel, dit le titre de l’exposition.
Portraits, paysages, nus, natures mortes… les brumes du réel, c’est aussi cela l’abstraction. Le jour se lève, entre dans l’atelier. Demain sera toujours nouveau. Tant qu’il y aura des peintres il y aura des tableaux. Ouvrons grand portes et fenêtres et que les courants d’air heureux balayent la poussière.
À l’Art Vivant !
Mathyeu Le Bal