Meilleurs voeux 2011
Les années de la gaîté
25 Novembre au 23 Décembre 2010
Imaginons.
1918. Après 4 ans de guerre, c’est enfin terminé. Au front on a creusé la terre et on a vu l’enfer. Une guerre mondiale. Technique. Pluies de feu. Mais c’est fini. C’était la der. La der des der. Aujourd’hui c’est Paris. Les terrasses de café se remplissent ; des verres sur les zincs, sur les marbres, des discussions autour des verres, des boulevards et des noms : la Rotonde, la Coupole, le Dôme…
Nous sommes à Montparnasse, en 1918, et c’est l’arrivée du printemps. Le beau printemps de l’après-guerre. De l’après la der.
Maurice Le Scouëzec (1881-1940)
"Montparnasse ne serait pas Montparnasse sans lui"
25 novembre-23 décembre 2010
Mon Ami Le Scouëzec
"Mon ami Le Scouëzec viens de m'écrire. Et sa lettre, partie il y a plus d'un mois, de la brousse sénégalaise, ne m'a rejoint que ce matin.
J'ai connu Le Scouëzec à Montparnasse. C'est ce grand garçon aux yeux perçants, au long nez, sous un plus large feutre, un feutre de planteur ou de conquérant espagnol. Une chemise Khaki, au col ouvert, aux manches retroussées sur ses bras nus et musclés, été comme hiver. Et des jambes de cavalier dans des pantalons de velours serrés jusqu'aux genoux dans des bottes lacées qu'il ne quitte ni quand il dort, ni quand il nage, ni même quand il peint. Car, vous pensez bien que Le Scouëzec est peintre. De lui, ces paysages africains sur lesquels pèse une atmosphère de plomb, dans une lumière d'ophtalmie, et que vous avez vus et admirés à la dernière exposition d'art colonial et dans d'autres Salons.
Ces toiles, plus véridiques que celles de Gauguin, sans littérature, dénuées de tout pathétisme, ne vivent que par l'exacte vérité. Elles ont valu à Le Scouëzec une bourse pour un voyage où cela lui plaisait. Et il s 'est embarqué avec ses bottes, un foulard de rechange, et sa femme pour veiller au restant des bagages, c'est-à-dire des toiles, des tubes, des brosses.
C'est à quinze ans que Le Scouëzec, pour avoir avoué à ses parents qu'il voulait devenir peintre, fut embarqué par eux sur un quatre-mâts qui portait du nickel en Nouvelle-Calédonie.
A Sydney, il « brûla le dur », c'est-à-dire qu'après s'être enfoncé dans les terres, il laissa partir son bateau. Ramassé, crevant de fain, il fut embarqué pour Calcutta, d'ou il partit à pied, pour Delhi...
Rapatrié, ses parents, qui l'attendaient à Marseille, le rembarquent pour Bornéo...Cette fois, défense de mettre pied à terre aux escales. Il est mis à la soute de chauffe. Dans un port qu'il ne connaissait pas, il saute à la mer, gagne un autre navire qui le dépose au Venezuela. Il longue la côte. Il se fait embaucher comme contrebandier de caoutchouc.
Il parcourt cinq cent kilomètres de forêts, spécule, échange de la gomme contre des chemises de couleurs qu'il vend aux Indiens, fait fortune, est volé, s'embarque comme soigneur de chevaux sur un bateau qui en transporte au Texas, deviens cow-boy et découvre le paradis du Mexique, où l'on est facilement tué, mais où les femmes nicoas, aroes les marches dans la forêt, se disputent pour lui enlever délicatement, avec des aiguilles d'acacia, les dangereux petits parasites qui se logent sous les ongles.
Il use de toute les armes : machetes contre la liane et le serpent, la carabine contre le lion, en Afrique, où Le Scouëzec se trouve, pour la première fois, l'année suivante. La carabine, quand on veut s'amuser à être cruel. Car le lion n'est pas dangereux, du moins le jour.
S'il se lève en clignant des yeux, on a qu'à taper un peu fort dans ses mains : le mâle donne un coup de croc à sa lionne, et ils se sauvent, la queue entre leurs respectives jambes...
Puis, de nouveau, en Amérique, le lazzo, la riatta contre le taureau sauvage, le couteau à gaine contre le puma, et les poings contre toutes sortes d'hommes. Tempêtes, prisons, bravi, Indiens, ventes d'orge, de pétrole, de terres.
A quarante-cinq ans, enfin, ayant un peu, pas beaucoup d'argent, Le Scouëzec cloua un ancien séchoir de blanchisseuse perché au dessus d'un hôtel meublé de la rue Delambre, où, en attendant de réaliser sa seconde ambition, un phalanstère au Mexique, il recueillit comme une vieille des chats pelés, toutes les abandonnées de la vie, sans condition, sa femme mettant un sourire et lui, de l'ordre, pas trop dompteur, malgrè ses bottes tannées, taillées, cousues par lui dans la pampa. Sur les murs, des toiles de tous les pays qu'il avait traversés. Dans ce coin, une verdure des tropiques, sous quoi on semblait, assis, vivre dans l'ombre d'une forêt ; là une mer, un océan, des bateaux. Ici, un ranch. Là, l'Amazone ; en face, Sumatra...
Et la vie s'écoulait, douce et tranquille. Le Scouëzec devenait célèbre à Montparnasse et chez les amateurs. Les grandes galeries exposaient ses oeuvres.
Et voilà qu'une bourse lui tombe sur dessus et qu'il s'en retourne dans la brousse.
-Poste restante Dakar.
C'est l'adresse qu'il laissa à ses amis.
C'est de par là, d'un peu plus loin sans doute, que je viens de recevoir sa lettre..."
Et voici la lettre de Le Scouëzec :
« Mon cher ami, voilà deux mois que je suis ici, et les plus gros incidents de cette vie d'aventures ont été dysenteries, un peu de fièvre et une écharde au doigt... Heureusement les sauvages de l'endroit avaient de l'eau oxygénée...
« Depuis que j'ai la consciente perseption de ce qui m'entoure, on cherche, par tous les moyens, à nous faire croire et admettre que ce qui est noir est blanc, et réciproquement.
« C'est ce qui m'arrive partout. On veut me faire croire que les pays que j'ai traversés sont bizarres. C'est encore la France qui l'est le plus. Dans le fond de l'Australie, il y a les ascenseurs et je n'en ai pas rue Delambre. En pleine brousse, les noirs éclairent leurs cases à l'électricité, et je ne pense pas que ce soit ainsi dans tous les villages d'Europe ou même de France.
« Je ne sais plus où, on m'a fait faire mille kilomètres pour me montrer un singe aux yeux châtains, comme vous et moi. Un jour, je dormais sur un banc. Etais-je à Santiago ? Un individu s'approcha de moi, me parla, me proposa de faire sauter un viaduc sur lequel devait passer un train rempli d'or.
« Je me réveillai tout à fait. Nous étions en Champagne et je dus arracher des mains de l'homme une arme dont il voulait me frapper parce que je ne lui répondais pas oui tout de suite.
« Oui, au Mexique, on a des souliers en peau de singe ; au Venezuela, les vêtements s'imperméabilisent à cause de la gomme qu'on porte, et on a un peu plus chaud. Mais on se grise le dimanche, comme partout en province, ou bien on raconte des histoires.
« J'ai fait un mois de marche pour aller chercher, dans un sanctuaire de je ne sais plus quel dieu, quelques kilos de pierre précieuses. Serpents : on n'a pas qu'à leur marcher dessus. Un chien auquel on marche sur la queue vous mord aussi bien qu'à Deauville.
« Rentré à Paris, je cours chez un joallier, il me dit que chacune de mes pierres vaut quelques francs. Voilà!... J'avais cru devenir Monte-Cristo... Alors, j'ai donné mes pierres à toutes mes petites camarades.
« Et l'une d'elles me dit, la semaine suivante, qu'un autre joaillier lui avait donné deux mille francs de la sienne. Ma cargaison était d'émeraudes brutes. J'en avais pour plusieurs dizaines de millions. J'avais tout donné.
Vous voyez bien que les aventures, les vraies, n'arrivent qu'à Paris.
« C'est pourquoi, aimant enfin la vie tranquille, je reste encore pour quelque temps dans ma brousse, à un mois de tout lieu habité.. Sauf deux sous de fièvre qui donne parfois de jolies illusions, tout ici est beauté, calme, volupté...spirituelle.
« Si vous étiez gentil, vous m'enverriez quelques livres de Jules Verne ... »
Cette exposition présentera une sélection d'oeuvres sur papier de la période Montparnasse (1918-1928).
23 jours sur une île - Glénan 2008 : "Je suis né à Brest le 08 novembre 1965 et j’ai grandi dans des immeubles entre Quéliverzan et Recouvrance. À cette époque les enfants jouaient librement dans les rues du quartier. Je voulais être garde forestier, avoir une jeep, un chien roux et une cabane dans les bois. Je passais parfois des après-midi avec ma mère à peindre des paysages à la gouache. Alors bien plus tard, je me suis retrouvé aux Beaux-arts de Quimper, continuant à Nantes. J’ai toujours marié films et peinture. Sans qu’il y ait pour autant interaction entre les deux. Jusqu’à ce que… Il faut du temps pour toute chose… Un jour d’hiver j’ai pu partir seul avec une caméra sur une île des Glénan. Sur ce bout de cailloux loin de tous, le miracle s’est produit : vie, film et peinture n’ont plus fait qu’un." Y.Q.
île Louët 2010 : « l'histoire de ce film se déroule sur un rocher... une île... toute en hauteur... un caillou...une montagne sur l'eau... une seule chose à faire... monter et descendre... descendre et monter... ascension en solitaire... Sur ce lieu, lumière et obscurité se partagent le pouvoir... et puis il y a ces oiseaux... blancs... ces oiseaux blancs qui savent devenir noirs.... Ce lieu est le leur... que fais-je ici ? Je monte...je regarde...puis je descends.... » Y.Q.
Yann Queffélec
Maurice Raynal
"Journaliste, critique d'art et écrivain, Maurice Raynal fut, à l'orée du XXe siècle et toute sa vie durant, l'un des plus fervents défenseurs du mouvement cubiste. Très vite il en est le témoin privilégié, l'exégète, mais aussi le mécène, n'hésitant pas à financer lui-même les premières expositions de Pablo Picasso, avec lequel il se lie d'amitié dès 1905. Découvreur de talents, habitué de l'effervescence de la Ruche et des frasques du Bateau-Lavoir, il savait mieux que quiconque lire dans la peinture et l'art moderne. Il nous laisse une multitude d'écrits, une très riche correspondance d'artistes ainsi qu'une collection en grande partie inédite, pour laquelle il était, avec son épouse Germaine, Le premier critique et modèle. La diversité des formes du cubisme et le dynamisme de ses multiples acteurs, au-delà des grands noms retenus par l'histoire, Pablo Picasso, Georges Braque, Fernand Léger ou Juan Gris, allaient révolutionner à tout jamais notre conception de l'art moderne." (in Maurice Raynal, la bande à Picasso. Ed. Ouest-France.)
Présentation de l'auteur
Né à Rennes en 1969, David Raynal a collaboré à plusieurs titres de la presse quotidienne et magazine parmi lesquels Ouest-France, Nice-Matin ou le Figaro. Journaliste d'entreprise (Groupe La Poste), rédacteur et photographe, il réalise de nombreux portraits d'artistes.
« Quand j'étais enfant en Bretagne, Je regardais accroché au mur, dans la vaste chambre de mes parents, le portrait de mon Grand-Père peint par Juan Gris. L’œil bleu, perçant, du critique pouvait sembler menaçant. Son intransigeance de façade, je l'ai compris plus tard en lisant ses écrits, n'était en réalité que de la bienveillance à l'égard des œuvres et des artistes qu'il avait eu la chance de fixer du regard tout au long de sa vie. Debout, en équilibre sur la table vacillante du bureau, je pouvais, en m'étirant de toute ma petite taille, toucher de la paume de ma main les traits saillants et anguleux de ce Grand-Père, magnifiquement structurés par la gouache incisive et fulgurante du maître et ami espagnol. La toile était en relief. C'est ainsi que dans la pénombre, à tâtons, j'ai pu m'imaginer les contours de ce visage que je n'ai jamais pu étreindre. » (in Maurice Raynal, la bande à Picasso. Ed. Ouest-France.)
Rencontre-dédicaces :
Samedi 4 septembre de 14h30 à 17 h 00.
Conférence de l'auteur à 17 h.
André Dunoyer De Segonzac
(Boussy-Saint-Antoine, 1884 - Paris, 1974)
Nu endormi
Dessin à l'encre de chine sur papier
signé en bas à gauche
35 x 46 cm
Il est difficile de définir sa propre peinture, mais si je devais la résumer en quelques mots, je parlerais de mon attachement au réel. La contemplation de la nature est l'unique moyen dont je dispose pour pouvoir donner forme à mes rêves. La réalité n'a pas de limite pour l'imaginaire, à la différence du concept qui la chosifie. Je cherche à exprimer dans mes œuvres une étrangeté familière, un ailleurs proche, l'insondable à portée de vue.
Quels sont les peintres ou les œuvres qui vous ont marqués, ou continuent de vous inspirer?
Cézanne, Bonnard, Morandi, Giacometti. Plus près de nous, Music, Tal-Coat, Edouard Pignon, Leroy, et plus récemment Sima. Je pourrais citer également Rembrandt, Vélasquez, Poussin, Chardin, Watteau. Depuis que je suis "tombé" dedans, je n'ai pas cessé de regarder la peinture. Découvrir un univers est une des choses des plus merveilleuses qui soit. Il faut se nourrir constamment. Ma peinture n'est faite que de ça.
Parlez-nous de votre attachement à la représentation du paysage?
Le paysage est le reflet perçu et cadré par l'homme de la nature. Il est donc un espace. Pour moi, il est l'espace par excellence de la peinture car il permet aux sens d'y insuffler ma vision. Il incarne l'ordre et la rêverie, c'est à dire l'expression de la liberté axée sur la mémoire. Toute peinture est paysage.
Paysage du Gard, 2003, pastel sec, 50 X 65 cm
Quelle serait selon vous, la filiation que l'on pourrait faire entre votre peinture et la tradition Parisienne des Montparnos ?
Je ne sais si l'on peut parler de filiation directe. Je crois plutôt à la transmission d'un idéal. Celui de croire que l'art devait être l'essentiel et de s'y tenir. C'est, je pense, ce qui animait fondamentalement les figures du Montparnasse d'avant-guerre.
Qu'est-ce que la figuration aujourd'hui ?
Figurer serait déjà se positionner en considérant le réel comme source essentielle pour tout acte créatif. Figurer pourrait naître d'une contrainte physique inhérente à toute confrontation avec la réalité. Figurer signifierait faire pleinement confiance à tous ses sens pour aborder cette réalité. Figurer c'est ne rien retrancher du flot d'impressions reçues sous prétexte d'efficacité conceptuelle. Figurer c'est accorder à l'homme le soin de croire que l'histoire continue. Figurer c'est le contraire d'illustrer.
Au peintre des paysages, cette dernière question. Quel est votre compositeur préféré, et peignez-vous en écoutant de la musique ?
Bach, Ravel, Dutilleux. Pardon d'en citer 3, mais j'y tiens.
Oui, il m'arrive de peindre en écoutant de la musique. La rêverie est d'autant plus prometteuse.
Jardin du Luxembourg, 2006,
encre de Chine, 20,7 X 27,8 cm
« Le vase donne une forme au vide,
et la musique au silence. »
Georges Braque