Alexandre Pineau (1893-1970), Le monde rêvé

Publié le par LE BAL Mathyeu

Alexandre Pineau (1893-1970), Le monde rêvé

Exposition d'automne

Alexandre Pineau (1893 - 1970)

Le monde rêvé

04 novembre - 22 décembre 2021

Entraînement, année 40, huile sur bois, 27 x 41 cm

Entraînement, année 40, huile sur bois, 27 x 41 cm

Tendre enfance.

Alexandre Pineau est né le 2 juillet 1893, chez ses parents, 49 avenue d’Orléans (auj . Av du Général-Leclerc) dans le XIVe arrondissement de Paris. Son père Alexandre Louis Pineau avait 28 ans, il était typographe. Sa mère Amélie Migeon était âgée de 23 ans, sans profession. Son frère Georges est né 3 ans après au même endroit. Plusieurs photographies attestent du bon niveau de vie de la famille, une enfance qui semble heureuse pour lui et son frère. Alexandre est élève du collège Lavoisier. La famille habite maintenant au 157 rue d’Alésia, toujours dans le XIVe arrondissement.

Baladins et enfants, années 60, huile sur toile, 54 x 81 cm

Baladins et enfants, années 60, huile sur toile, 54 x 81 cm

En 1900, le jeune garçon âgé de sept ans est lauréat du concours de dessin de la ville de Paris, organisé à l’occasion de l’Exposition Universelle. Après avoir obtenu son brevet, il est employé puis représentant de commerce chez un drapier. Parallèlement, il développe ses talents artistiques auprès des peintres Jacques L’Huillier (1867- ?), puis d’Albert Bréauté (1853-1941), avant et après la guerre.

Carrousel dans la neige, années 60, huile sur toile, 50 x 61 cm.

Carrousel dans la neige, années 60, huile sur toile, 50 x 61 cm.

« Les 4 Vents ».

De retour à la vie civile, Pineau rencontre une femme de 23 ans, Antoinette Rose Jeanne Hauüy, sténodactylo. Le couple se marie le 23 octobre 1919 à Clamart et s’y installe, d’abord chez les parents d’Antoinette, puis Villa Elise, avenue du Cimetière. En 1920, ils donnent naissance à une petite fille qu’ils prénomment tout naturellement Elise. Trois ans plus tard, le malheur vient  frapper à leur porte : la petite Elise décède.

Îles Hawaï, années 60, huile sur toile, 65 x 81 cm.

Îles Hawaï, années 60, huile sur toile, 65 x 81 cm.

En 1926, Alexandre fait construire sa propre maison au 22 avenue du Cimetière. Il l’appelle « Les 4 Vents ». La chambre du haut, orientée au nord, possède une vue dégagée sur l’ouest parisien et le Mont Valérien. Cette chambre deviendra son atelier. C’est dans cette maison qu’Antoinette Décède en 1929.

Les V'là ! 1934, huile sur toile, 65 x 50 cm.

Les V'là ! 1934, huile sur toile, 65 x 50 cm.

Pineau se remarie l’année suivante avec Jeanne Laurence Pavie. La perte de sa fille va marquer profondément son œuvre, tant par le choix de ses sujets que dans la technique. Sa peinture devient, toute entière, un hommage au monde de l’enfance, de ses tendresses, ses couleurs et ses joies, le tout habité d’un imaginaire féérique. Les aspects sombres de l’existence sont traités avec douceur, préservant l’espace intérieur de la noirceur des réalités extérieures. Pineau, c’est l’œil de la gentille dérision. Le peintre va alors fréquenter les fortifs, à la rencontre des êtres qui se trouvent en marge de la ville. C’est la découverte du cirque, de ce monde itinérant des gens du voyage. Les clowns l’émerveillent : se voit-il ainsi ? En autoportrait moqueur qui fait sourire les enfants ? Dans les années 30, le peintre s’est grimé plusieurs fois en clown, soit lors de soirées de réveillon, soit lorsqu’il jouait dans un petit théâtre qui s’appelait « Le moulin de Gringoire ». Dans l’univers du cirque cher aux artistes du Montparnasse, ce sont aussi les funambules, ces êtres de l’équilibre poétique, miraculeux au-dessus du vide ou du chaos.

Caravane dans la neige, années 50, huile sur toile, 55 x 46 cm.

Caravane dans la neige, années 50, huile sur toile, 55 x 46 cm.

Montparnasse.

Alexandre Pineau s’affirme comme peintre vers 1925. Retrouvant son quartier d’enfance, il fréquente Montparnasse et ses cafés, point de ralliement des artistes. En 1928, il fait la rencontre d’un homme qui lui ressemble à plus d’un titre : Auguste Clergé. Ils vont sans doute se trouver des points communs par les épreuves traversées, la peinture et bien sûr le cirque, le théâtre et la zone. Avec Clergé et Pineau, un groupe se forme, rejoint par Louis-André Margantin (1900-1965), Adrienne Jouclard  (1882-1972) et Germain Raingo Pelouse (1893-1963) installés tous trois rue Campagne-Première. Dans ce groupe, il y a également André Beloni (1905-1987). Pineau est présent à l’exposition collective de la Brasserie Courbet en 1930. Il s’agissait du 18e Salon organisé par La Compagnie Ambulante des Peintres et Sculpteurs Professionnels qui voyageait de café en café depuis les premières expositions au Parnasse. A cette occasion, la brasserie Courbet réunit autour de Pineau et de Clergé une trentaine de peintres dont : Le Scouëzec, Zingg, Antral, Micao Kono, Balande, Claudot, Neillot, Jauclard, le graveur Lebedeff, le sculpteur Jean Levet et Marevna…

Le Groupe Clergé à la Brasserie Courbet, Compagnie des Peintres et Sculpteurs Professionnels. Avec Alexandre Pineau, Clergé, Le Scouëzec, Zingg, Margantin...

Le Groupe Clergé à la Brasserie Courbet, Compagnie des Peintres et Sculpteurs Professionnels. Avec Alexandre Pineau, Clergé, Le Scouëzec, Zingg, Margantin...

Minor Swing.

Pineau, avec son air manouche, moustache à la Django Reinhardt, se nourrit des échanges avec la communauté des Montparnos. Il expose au Salon des Indépendants, aux Artistes Français, ainsi qu’au Salon des Surindépendants. Sa peinture s’imprègne de la douceur populaire ; il est un coloriste généreux, les tonalités chaudes sont rythmées dans des compositions minutieuses. Il y a du Fellini dans ses scènes de vies. Les enfants en mouvement sont exagérément plus petits par rapport à la taille des adultes qui apparaissent immenses. Son œuvre, par sa fraîcheur et son caractère joyeux, est à rapprocher de celle des « Primitifs Modernes », du Douanier Rousseau ou d’André Bauchant.

Les ordres, années 60, huile sur toile, 46 x 38 cm.

Les ordres, années 60, huile sur toile, 46 x 38 cm.

Ses thèmes de prédilection sont ceux d’une France rêvée, celle des Années 30 et de l’après-guerre : villages, campagnes, balade dans la nature animée, spectacles de rue, campements dans les terrains vagues en bordure de la ville avec ses poussées de barres d’immeubles qui isolent et étouffent. Pineau peint comme un ambulant, c’est une flânerie le long de la route ou en bord de Marne, ce sont les beaux dimanches de congés. Ce sont les courses de chevaux ou de bicyclettes, les animations de kermesses, les chanteuses de rues, les haltérophiles des boulevards… Nostalgie d’une époque ou recoins secrets de la mémoire imaginaire. Et par cette « réalité » transposée, tel un Jacques Tati de la peinture, c’est notre réalité qui se trouve soudain mise en perspective sous nos yeux étonnés et souriants.

Bal à la fontaine Sainte Marie, années 50, aquarelle, 38 x 45 cm.

Bal à la fontaine Sainte Marie, années 50, aquarelle, 38 x 45 cm.

En 1930, le peintre devient sociétaire puis en 1950, secrétaire général adjoint à la Fondation Taylor, créée en 1844 par le Baron Taylor dans le but d’aider et de fédérer les artistes. Il en sera membre jusqu’à la fin de ses jours en 1970. Au cœur du peuple, Alexandre Pineau consacre sa vie à la peinture, en observateur tendre, le regard bienveillant sur le grand manège du monde. Sa peinture marque une délicate distance, se place en retrait des affres sombres de l’existence, tel un refuge dans lequel l’âme de l’enfant serait à jamais préservée.

Le vélodrome des tordus, 1950, huile sur toile, 39 x 41 cm.

Le vélodrome des tordus, 1950, huile sur toile, 39 x 41 cm.